René Frégni : "le cerveau des émotions, ce sont nos viscères, nos tripes"

Est-ce parce que sa vie a pris des allures de roman que René Frégni a fini par en écrire ? L’écrivain originaire de Marseille donne un aperçu de son rapport à la littérature en répondant à nos questions. Réalisation et montage par Tiphaine Beausseron

 

Provence & You : À quel âge avez-vous lu votre premier livre ?

René Frégni : Je n'ai pas lu mon premier livre. C'est ma mère qui me l'a lu parce que les enfants se moquaient de moi, parce que je portais des lunettes.Et ma mère, à sept huit ans, m’a lu mon premier livre. Elle m'a lu Les Misérables de Victor Hugo en version courte.

P&Y : Ce qui vous plait le plus dans l’écriture ?

R.F. : C'est que je peux être une femme, un arbre, un rat, un nuage, un caillou. Voilà, je ne suis plus René Frégni. Je m'échappe de René Frégni, je suis n'importe quoi.

P&Y : Pourquoi le livre vous a-t-il sauvé en prison ?

R.F. Il m'a sauvé parce que quand tu es pendant six mois dans une cellule de sept mètres carrés, tu deviens fou. Et quand tu ouvres un livre, tu t'en évades. C'est comme si le directeur de la prison m'avait apporté les clés de la prison.

P&Y : Quand avez-vous décidé de devenir écrivain ?

R.F. Les infirmières m'ont dit à l'hôpital psychiatrique - où j'étais moi-même infirmier - ‘tu devrais écrire des romans. On te voit toujours avec un stylo, un roman dans les mains, tu devrais...’ et

je me suis dit ça le lendemain en étant coincé devant la pointeuse à l'hôpital, je n'ai pas pu enfiler ma carte dans la pointeuse. Je me suis dit non, tu dois devenir écrivain et je suis parti. Je n'ai plus jamais mis les pieds à l'hôpital.

P&Y : Qu’est-ce que l’écriture vous apporte comparée à la lecture ?

R.F. On va beaucoup plus loin quand on écrit que lorsqu'on lit, quand on lit, on est dans cet univers de la lecture. Quand on écrit, on est dans notre propre univers : l’univers des émotions et je dis toujours le cerveau des émotions, il est là, ce sont nos viscères, nos tripes. On descend dans notre ventre et on va beaucoup plus loin que lorsqu'on lit.

P&Y : Vos écrivains préférés ?

R.F. Il y en a trois : Céline, Giono, Camus et, pour citer trois femmes : Marguerite Duras, Agota Kristof, Carson McCullers

P&Y : Le plus plaisant quand on est écrivain ?

R.F. C'est quand on trouve la première phrase. Moi, pendant trois mois, je tourne autour de la première phrase que je ne trouve pas. Mais je compare ça souvent à une histoire d’amour. Ce n'est pas facile de trouver quand on est amoureux d'une femme et qu'on n'ose pas le lui dire. Trouver la première phrase, l’aborder. Accepteriez-vous de prendre un café ou de venir au restaurant ou de partir avec moi ? Ça, c'est très dur de trouver le premier mot en amour. Une fois qu'on a dit le premier mot soit on se fait jeter, soit ça marche, mais, en tout cas le premier mot est le plus difficile et sur un cahier, c'est pareil : trouver la première phrase.

P&Y : Et le plus difficile ?

R.F. Chaque matin, se remettre devant son cahier parce que le cahier fait peur. Le stylo fait peur,

les lecteurs font peur. C'est comme un acteur, j'ai fait du café théâtre pendant trois ans pour gagner ma vie à Marseille. J'étais dans les coulisses, je me maquillais, je me préparais et j'avais le cœur qui battait à 200 à l’heure parce que j’entendais le bruissement de la salle. Une fois que le rideau était ouvert, que j'entrais en salle, je parlais et les premiers mots dits,  ça y est, ça roule.

Et c'est comme les braqueurs. Les braqueurs me disent avant d’entrer dans une banque, tu ne dors pas de la nuit. Dès que tu es dans la banque, tu n'as plus le trac.

P&Y : Un conseil pour ceux qui rêvent d’être écrivains et qui n’osent pas ?

R.F. Ceux qui n'osent pas : oubliez que vous voulez devenir écrivain. Amusez-vous à écrire n'importe quoi. Multipliez les cahiers, les carnets, écrivez partout. C'est un peu comme on se jette dans l’eau. Si vous avez peur de nager, vous ne nagerez jamais. Jetez-vous dans des cahiers à corps perdu. Écrivez n'importe quoi. Mais surtout, ne pensez pas à Gallimard ou à Grasset. Ne pensez pas à devenir Proust, pensez à prendre du plaisir.

P&Y : Un mot sur votre dernier roman ?

R.F. ‘Minuit dans la ville des songes’, c'est l'histoire de toutes mes émotions sur son passé

et qui revoit ses premières émotions, de l'enfance jusqu'à aujourd’hui, toutes les émotions d'une vie. C'est-à-dire que j'ai l'impression que je n'ai jamais lâché la main de l’enfant que j’ai été.

Et là, j'ai repris la main de cet enfant que j'étais dans les rues de Marseille et jusqu'à aujourd’hui. Quelles sont les grandes émotions d'une vie ? Mon premier amour, mes premières

déceptions, mes grandes peurs, la mort de ma mère, la naissance de mes filles, tout ce qui a compté. L'histoire d'un homme, ce n'est même pas son métier, même pas les anecdotes de sa vie, ce sont ses émotions.

P&Y : Votre prochain livre ?

R.F. Je suis en train d'écrire un nouveau roman noir après le récit très autobiographique de ‘Minuit dans la ville des songes’.

P&Y : La Provence en 3 mots ?

R.F. Liberté, Lumière, Bleu


Pour en savoir plus, rendez-vous dans la rubriqueArtistes & Culture et lisez notre article sur René Frégni.


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