«Dress Code» à Arles : le vêtement dans tous ses états

À travers une vingtaine d'expositions photographiques, le programme « Dress Code » questionne la relation entre le vêtement et l’identité, à l’échelle individuelle comme collective. Interview de Florent Basiletti, Directeur artistique de la Fondation Manuel Rivera Ortiz, qui chapeaute l’évènement - (Propos recueillis par Axelle Delorme)

P&Y : Comment s’articule le programme Dress Code ?

Florent Basiletti : C’est un programme d’expositions qui réunit plusieurs artistes. Dix commissaires d’exposition interviennent dans le projet pour une quarantaine d’artistes. « Dress Code » est le fil conducteur de toutes ces expositions. La Fondation étant située dans un Hôtel Particulier à Arles, il y a de nombreuses petites pièces de 20m2 chacune, dans lesquelles le spectateur va s’immerger dans l’univers des artistes qui y sont exposés. Chaque artiste a donc sa propre exposition, en quelques sortes, qui participe à la thématique générale qui est « un regard sur l’identité et le vêtement ». Chaque artiste propose son univers. On passe donc de l’un à l’autre, d’une exposition à l’autre, d’un propos à l’autre, d’une conception du vêtement à l’autre, mais tout au même endroit.

P&Y : Quel est le propos principal de l’exposition ?

F.B. : La thématique générale montre un regard où l’habit représente un aspect identitaire : il peut définir une sorte de parure dans le cadre de rituels, ou montrer l’aspect identitaire d’un pays par exemple. La Fondation est spécialisée dans la photographie documentaire, et propose ici un regard à la fois artistique et documentaire sur la thématique du vêtement et ce qu’elle comporte de symbolique, politique, sociétal, etc. Le programme se divise en deux grandes parties. Il y a d’abord les artistes qui vont questionner le genre (féminin / masculin), par exemple à travers le projet de Manon Boyer sur les Drag Queens à New York dans lequel elle montre les coulisses de leur préparation. Le programme montre aussi un gros projet sur les jumeaux au Nigéria, mené par les artistes Bénédicte Kurzen et Sanne de Wilde, en immersion dans une communauté où l’on habille les jumeaux strictement de la même manière. Ensuite, nous avons construit aussi tout un axe sur les rituels païens et les croyances, notamment avec le travail de Mathieu Richer Mamousse qui a parcouru le monde pour photographier ces fêtes. Il y a aussi le travail de Bruno Cattani sur les rituels vaudou au Bénin et au Togo, celui sur les femmes Apothèques au Mexique par le regard de Delphine Blast. Par cet axe, le spectateur s’immerge dans cet aspect rituel du vêtement, symbole des fêtes.

En annexe, nous exposons aussi des travaux qui entrent en résonnance avec le programme général mais se placent un peu en marge, dans le sens où ce sont plutôt des investigations personnelles, des regards autobiographiques de l’artiste qui les présente sur notre propre évolution et notre propre construction identitaire par le vêtement.

Nous avons notamment le travail de l’artiste Phumzile Khanyile originaire d’Afrique du Sud, une sorte de récit autobiographique dans lequel elle se prend elle-même en photographie, vêtue des habits de sa mère, de sa grand-mère.

A travers ces images, elle nous parle des injonctions à la féminité dans son éducation. Enfin, au dernier étage, le programme Sein und Schein de notre partenaire Fotohaus montre un regard sur l’Être et le Paraître, avec des projets très personnels, ancrés.

P&Y : Pourquoi donner la parole à plusieurs commissaires d’exposition ?

F.B. : En tant que directeur artistique et commissaire général du programme, j’ai choisi les artistes présentés pour la grande majorité, mais certaines institutions partenaires, telles que le Photolux Festival en Italie, nous proposent aussi des artistes. La construction du programme se fait donc à plusieurs voix, mais toujours validée par la Fondation.

De plus, certains commissaires nous permettent d’avoir des regards très particuliers sur les artistes. Par exemple, la commissaire de l’artiste Delphine Blast travaille avec elle depuis longtemps, et connaît très bien sa pratique. Cela nous permet alors de mieux connaître l’artiste et son propos. Il y a donc vraiment un dialogue entre les commissaires invités et moi-même, très enrichissant dans la manière de présenter les artistes dans le programme.

Nous ne pouvons pas couvrir une vision du monde entier car il faudrait énormément d’espace, on en oublie toujours, mais nous avons essayé de donner une vision large et riche de la conception du vêtement selon plusieurs regards, justement portés par les commissaires d’exposition invités et leurs artistes. Nous nous rendons alors compte qu’ils ont tous un point commun, selon lequel l’habit est un vecteur d’identité très fort.

Quelle est l’importance du vêtement pour vous ?

F.B. : Ce qui est intéressant, c’est que le vêtement peut avoir un aspect à double tranchant. Il peut avoir un côté uniforme, qui va lisser les aspérités, tout le monde va se ressembler, notamment avec les effets de mode. Mais le vêtement peut aussi être revendicateur, mettre en avant les questions de genre par exemple. J’aime bien cette ambivalence, cette ambiguïté selon laquelle chacun peut s’approprier le vêtement et incarner une nouvelle identité face à lui.

P&Y : Qu’est-ce que ça leur fait d’exposer en France et en particulier à Arles ?

F.B. : Arles, le Festival, c’est un véritable lieu de rencontres, comme son nom l’indique. Tous les corps de métiers liés à la photographie s’y retrouvent, c’est donc un moment de grande visibilité pour les artistes exposés. Grâce à Arles, d’autres festivals européens et internationaux vont aussi s’intéresser à eux, les inviter pour des talks, des expositions, promouvoir leurs livres. Arles est donc une vitrine et une carte de visite d’importance pour les artistes.


Depuis le 4 juillet et jusqu’au 25 septembre 2022, le programme Dress Code de la Fondation Manuel Rivera Ortiz (MRO) à Arles a ouvert ses portes. Ce programme dirigé par Florent Basiletti, Directeur artistique de la Fondation, s’articule autour de la notion de vêtement, ce qu’il véhicule à travers le monde, et au travers des regards singuliers des photographes invités.

Faisant partie de la programmation associée des Rencontres de la Photographie à Arles, ce programme donne la parole à plus d’une quarantaine d’artistes photographes, répartis sur une vingtaine d’expositions pensées par la Fondation en collaboration avec plusieurs commissaires d’exposition invités.

Pour la première fois, la Fondation réalise à cette occasion un catalogue avec la Maison d’édition Kehrer, regroupant l’ensemble des expositions. Ce programme présente également des manifestations Hors-les-Murs, telles que l’exposition Fragile de 15 photographes du collectif Tendance Floue, qui sera située juste en face de la Fondation. Enfin, la Fondation accueille en résidence trois artistes ukrainiens, avec lesquels a été réalisé un fanzine qui sera disponible à la vente, et dont les bénéfices seront reversés aux artistes eux-mêmes.



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